Pratiquement aucun écrit de la littérature tarologique ne parle du fait que la carte de la Papesse porte, assez bien en vue d’ailleurs, la représentation d’un sexe masculin.
Partageant ma réflexion avec une amie qui connaît un peu le tarot, elle m’a soutenu mordicus que cette illustration n’avait absolument rien à voir avec quelque gaudriole que ce soit. Et que c’est probablement bien pour ça que personne n’en parle.
Mes fondations sérieusement ébranlées, et nettement moins sûre qu’il ne s’agisse pas que du fruit de mes élucubrations libidineuses, j’ai montré la Papesse d’un Marseille classique de Conver à une dizaine de personnes de mon entourage ne connaissant rien au tarot, leur demandant simplement s’ils pouvaient y voir un membre viril quelque part.
Le résultat fut 66% de non contre seuleument 34% de oui. Pour l’anecdote, une personne m’a rétorqué avec condescendance qu’il suffisait de lire le nom de la carte pour voir qu’il était impossible qu’une telle grivoiserie y soit représentée… Et une autre m’a conseillé mi-figue mi-raisin d’aller consulter.
Même les tarots de Marseille contemporains ont supprimé ce détail de leur Papesse :
New Choice Tarot de Marseille, Rosario Salerno 2019
Ici, l’auteur a totalement escamoté la chose, tout en présentant une Papesse qui aurait toutes les chances de remporter le concours de Miss Marseille !
Cette version a pudiquement couvert la partie la plus explicite, tout en mettant l’accent sur le fait que notre Papesse semble avoir développé avec le temps un goût certain pour le café 
.
Aletarox, Alessandra Spagnoli, 2022
Et pourtant, en creusant un peu et en en assaisonnant la carte de quelques extraits de mythologie égyptienne, le parallèle avec le mythe osirien apparaît dans toute sa splendeur, notre objet se révélant être le sexe d’Osiris arboré avec orgueil par Isis. Cette saga sera racontée ultérieurement par Vincent…
Rassurée de ne pas devoir aller consulter en fin de compte, je suis surtout éblouie de pouvoir trouver dans ce détail une preuve de plus du magnifique travail des Imagiers. Ils sont parvenus à dissimuler en pleine vue un objet extrêmement délicat (voire passible des pires peines judiciaires) vu le contexte très pudibond de l’époque à laquelle le tarot de Marseille tel qu’on le connaît commençait à être diffusé.
Pour ma part, j’aime y voir une subtile manifestation de leur difféence d’opinion avec le puritanisme religieux en vigueur à cette période.
L’objet sensible est exactement au-dessus de ce qui pourrait être vu comme une croix, et ceci sur la carte signifiant notamment la connaissance, le secret, et… le tarot !
Ils sont parvenus à évoquer ainsi avec délicatesse une mythologie lointaine accessible seulement à un cercle restreint d’initiés, derrière ce qui est perçu au premier regard comme un simple accessoire vestimentaire.
Chapeau !
Mon mini-sondage montre d’ailleurs que leur stratagème fonctionne encore aujourd’hui, puisque cet élément sensible de la carte n’a été repéré que par 34% des personnes ayant vu notre Papesse. Intemporel, le tarot de Marseille !
Un article de Jacqueline.
Envie d’en savoir plus sur l’auteure ? C’est par ici.
