Judas, le Pendu (?)
Judas, le Pendu, Judas Iscariote, celui qui a (aurait) trahi Jésus. Trouvé mort pendu. A moins qu’il ne s’agisse de saint Pierre, pendu tête en bas. Voir carrément du Christ, si l’on en croit la version du tarot du Rider Waite. Ce qui est sûr, c’est que le tarot aime à faire des liens avec la religion (Papesse, Pape, Jugement, …). Alors qu’en est-il exactement avec le Pendu ? Ebauchons une introduction sur le sujet.
Contexte
Judas, le Pendu : si tout amateur de tarot s’est déjà vu confronté à l’image d’un Pendu christique avec le jeu de R.Waite et ses nombreux avatars (cfr. illustration ci-dessus), il est cependant assez rare de trouver un tarot nous présentant le réel supplice de la pendaison.
De pendu « classique », je n’en n’ai trouvé que trois versions, dont la plus réussie à mes yeux est celle du tarot dit, Da Vinci.(à droite)
Rare aussi, la présentation du pendu, offert à la vindicte populaire, tête en bas. Supplice historique, réservé aux félons et parjures. Ici, extrait du tarot New Vision de Pietro Alligo. Tarot intéressant et novateur mes yeux, en ce qu’il présente les cartes du point de vue des personnages.
Sur base de ces trois illustrations, je ne suis pas mécontent de vous présenter la piste de réflexion suivante : nous avons, certes, affaire à trois versions différentes de la pendaison, mais qui pourraient converger, si on les rapproche de la vie du Christ et de Judas.
Saint Pierre ?
Judas, le Pendu : si on se réfère aux versions du R.Waite, les chrétiens me diront qu’il s’agirait, pour le coup, plus d’une allusion à saint Pierre.
Plusieurs textes antiques font allusion au martyre de Pierre, ainsi qu’à celui de Paul. Ils se seraient produits lors des persécutions ordonnées par Néron, notamment dans l’enceinte du Circus Vaticanus construit par l’empereur Caligula, situé sur colline Vaticane, à l’emplacement approximatif de … l’actuelle Basilique Saint-Pierre.
A mes yeux, nous baignons plus dans l’hagiographie que dans l’Histoire. Je dis bien : à mes yeux. Quant à la crucifixion de Pierre, tête en bas, je suis bien en peine de trouver un texte fiable sur le sujet.
« Aussi la fin de la vie de Pierre reste-t-elle pour l’historien dans l’obscurité. Toujours est-il qu’on peut supposer, d’après les sources et les dernières découvertes archéologiques, que Pierre a bel et bien subi le martyre à Rome sous l’empereur Néron. »[1]
[1] source : encyclopédie Universalis
Jésus ?
Le Christ crucifié tête en bas, c’est carrément une bêtise. On est bien d’accord.
Les tarots ont volonté et objectif ésotériques. Ils visent à faire cheminer le Regardant. Le tarot Rider Waite (et ses avatars) procèdent du même principe.
Le personnage auréolé, qui s’abandonne et se livre peut donc symboliquement représenter Jésus sur la croix : il donne sa vie pour sauver l’humanité. Le thème est riche et exploitable.
Dans le tarot de Marseille, il me plaît de faire du Bateleur un Jésus et en Force, de le voir couplé à Marie-Madeleine. Ce n’est guère plus fumiste qu’un Christ en croix, mais tout aussi iconoclaste. Clin d’oeil entendu.
A vous de voir ce qui vous parle, si tant est que le sujet vous intéresse.
Ceci étant, un Christ renversé en 12, donnera bien un Tétramorphe en 21 !
12 étant l’opposé de 21.
Voir les .gif sur le sujet.
En 21/Monde, nous avons indiscutablement affaire à une allusion au Tétramorphe. Seulement voilà : ici, aussi, nous nous trouvons face à un problème de taille par rapport à la « réalité » symbolique et historique du signe. A la place du Christ, on nous présente une femme ! J’y reviens dans cette page.
Judas ?
Judas se pend. Un (un seul) évangile nous l’affirme [1].
Un autre Texte canonique propose une version différente de sa mort :
« (…) il (Judas) est tombé en avant, s’est ouvert par le milieu, et toutes ses entrailles se sont répandues.»[2]
Voilà qui n’est pas sans rappeler une scène de mise à mort classique, qui sera reprise au Moyen-Age, quelques siècles plus tard.
Quant aux francs-maçons, ils apprécieront aussi. Dans un tout autre registre et une autre symbolique.
Je me recadre.
Judas se pend. Mort d’humiliation. Laissant à ses pieds, les trente deniers reçus pour son forfait. Les divers pendus du tarot qui aiment à assimiler Judas au Pendu ne se privent pas pour l’illustrer clairement.
Ceci étant, Judas n’incarne-t-il pas LE bouc émissaire par excellence, lui aussi ?
A la lecture de son Evangile [3], on serait même tenté de voir en lui le plus fidèle disciple du Christ, le seul à avoir vraiment compris son message. La remarquable « Dernière tentation du Christ »[4] nous présente ce qui a pu se passer dans la tête de ce zélote convaincu, par rapport à la mission « terre à terre » de Jésus. Et au rôle qui aurait pu lui être assigné dans ce drame. Tout militant d’une cause sortant de la courbe de Gauss comprendra très bien ce propos.
Dans le drame humain (et non théologique) de la vie des ces deux personnes, un trait commun à mes yeux : la notion de bouc émissaire.
A lire absolument : R.Girard, le bouc émissaire.
Alors : Judas ou Jésus en 12/Pendu ?
[1] Matthieu, 27, 5
[2] Actes Apôtres, 1,18
[3] R.Kasser, l’Evangile de Judas, ed. National Geographic
[4] film de M.Scorsese, 1988
Illustrations :
* tarot Happy Star, 20e.
* pendu de C.Lipi, 16e.
* tarot de Charles VI, 15e.
* variation à vocation cabbalistique du Rider Waite, 20e.
Judas !
Judas, Jésus.
Tiens, 5 lettres pour chacun des prénoms. Jésus qui donne en guématrie, à base de l’alphabet français : 74.
Nombre qui renvoie lui-même à 13.
L’arcane-sans-nom.
Amusant.
Quant à Judas, il se voit affublé d’un beau 55 : 10
Nombre qui renvoie lui-même à 10.
La Roue de Fortune.
Amusant.
Maintenant, s’amuser avec l’alphabet français pour des noms hébreux … j’entends déjà mes amis cabalistes hurler.
Ca n’a effectivement pas de sens.
Alors pourquoi avoir écrit ces lignes ?
Parce que certains aiment à s’amuser et frétiller des neurones. Et puis du côté des cherchants, il y en a aussi qui font de Lucifer, un 666, assimilé lui-même à Jésus pour le coup !
Joie de l’ésotérisme. L’essentiel est de donner du sens et de chercher.
12/Pendu suggère à mes yeux et à tout le moins, de revisiter la vie de ces deux personnages historiques, sous l’angle du sens à donner à leur mort. Et si dans le début de ce paragraphe, je titillais quelque peu les amateurs de symbolique des Nombres et de la cabbale, je n’en oublie pas moins toutes les personnes qui s’intéressent au tarot pour sa valeur symbolique, mais qui ignorent tout de la vie de Jésus et ne s’intéressent à la religion catholique que dans la mesure où elle leur procure des jours de congé, sans trop savoir à quoi ils correspondent par ailleurs (oups !).
A titre personnel, je crois dur comme fer que le tarot de Marseille, dessiné en plein siècle des Lumières ne s’est pas privé de « clin d’oeillifier » la religion. Tout en ouvrant une porte pour qui sait frapper comme il se doit, aux sens occultes, hermétiques et alchimiques qu’on peut lui donner.
Chacun sa route, chacun son chemin, comme fredonne la chanson d’un indien dans la ville. Autre niveau culturel.
Je vous laisse, pendu à ces lignes, qui se terminent une fois de plus, par de multiples points d’interrogation. Objectif atteint. Sourire épanoui sur mon visage ravi.