Notre chariot avance comme un prince, un prince qui aspire à combler ses désirs et à trouver sa place dans le monde. Il souhaite accomplir, s’accomplir et cette quête est source de dynamisme dans sa vie.
Le prince c’est un être de désirs et de ressources qui veut profiter de la vie. Cette lame représente l’aboutissement de l’initiation sociale. Le Bateleur est devenu un prince bien qu’il ait encore un long chemin à parcourir pour acquérir la maîtrise de ses énergies.
Nous sommes devant un personnage selon toute vraisemblance jeune. Si nous prenons le temps de le contempler, de s’imprégner de sa présence, une détermination importante se dégage de lui. Il sait où il va et affirme sa position et ses désirs.
Au niveau psychologique, notre Chariot nous pose la question de l’identité. Il situe la frontière entre le personnage en tant que masque social et la réalité de l’individu.
Il nous pose la question : J’ai où je SUIS ?
Tant que le Chariot se définira par rapport à un métier, un statut ou une possession matérielle, il ne trouvera pas sa véritable identité.
Ce n’est pas pour rien que le nom de la carte fait pour la première fois référence à un objet ! Nous sommes nous incarnés pour posséder seulement, pour accumuler des réussites sociales et des signes extérieurs de richesses ? Le Chariot nous mène alors aux portes de l’Illusion, là où tout n’est qu’apparence et mascarade.
Par le surinvestissement de l’objet (le chariot), l’arcane VII peut être l’expression de la réussite trompeuse, celle où le paraître dépasse l’être.
Attention, il ne prône pas le rejet de la réussite sociale mais il nous invite en revanche à une prise de distance envers celle-ci.
C’est bien pour cela que notre lame est coupée en 2 horizontalement :
- Le bas est un chariot qui représente bien un carré ancré dans le sol
- Le dessus est le conducteur qui forme en partant de sa tête, un triangle.
Et un triangle sur un cube, c’est de l’esprit sur la matière.
Entre les énergies instinctuelles du bas et le royaume de la conscience au-dessus, il y a comme une incommunicabilité, un clivage. Le jeune homme se vit roi et croit tout savoir, mais il n’est qu’un petit roitelet privé de puissance et d’assise.
Tout un travail, pour se rendre compte que ce que l’on possède finit par nous posséder aussi.
Nous pouvons donc voir dans notre Chariot une mise en garde contre un trop grand investissement de l’image aux dépens de l’être.
- Certes notre Chariot est admiré, mais est-il aimé ?
- Certes il a réussi, mais est-il réalisé ?
- Il a atteint les sommets auxquels d’autres aspirent mais est-il pour autant heureux ?
Travail d’autant plus difficile que les valeurs de notre société de consommation sont portées en avant comme garante de notre bonheur.
Rien n’est plus difficile que d’être libre, maître et créateur de son destin. Et de vous rappeler les paroles de l’apôtre Marc 10 :20-22 qui touchaient donc bien le cœur de nos attachements humains : « Il lui répondit : Maître, j’ai observé toutes ces choses dès ma jeunesse. Maître, j’ai respecté tous ces commandements dès ma jeunesse. L’ayant regardé, Jésus l’aima, et il lui dit : Il te manque une chose : va vendre tout ce que tu as, donne-le aux pauvres, et tu auras un trésor dans le ciel. Puis viens et suis-moi. Et l’homme s’assombrit à cette parole et s’en alla tout triste, car il avait de grands biens. »
Et en suite logique me vient l’envie de citer Pascal Bruckner (philosophe contemporain) dans son livre « La tentation de l’innocence »
Les loisirs, le divertissement, l’abondance de biens matériels constituent à leur niveau une tentation pathétique de ré-enchantement du monde, l’une des réponses que la modernité apporte à la souffrance d’être libre, à l’immense fatigue d’être soi.
Un article de Joëlle.
Pour en savoir plus sur elle, c’est par ici.