Le Diable louche et tire la langue.
Toutes les cartes du tarot sont uniques. Elles sont toutes spécifiques et recèlent toutes, l’une ou l’autre caractéristique que les autres n’ont pas.
Je vous dis, dis et redis à chaque lame que – dans le parcours du mandala – c’est la première carte qui …
15/Diable n’échappe pas à la règle. Avec deux caractéristiques supplémentaires.
Le Diable louche et tire la langue.
Le Diable louche et tire la langue.
C’est la première et la seule carte qui …
En mode Best of … pour ne pas être trop long.
Il y a eu :
► Le Mât, première et seule carte, non numérotée
► La Papesse, première et seule carte au personnage livide, visage blanc
► L’Empereur, seul personnage casqué
► L’Amoureux, première carte à plusieurs personnages
► Le Chariot, première carte à évoquer un nom d’objet
► La Justice, première carte au nom abstrait
► La Roue, première apparition des émotions et carte sans référent humain
► Le Pendu, seul arcane avec un personnage à l’envers
► ASN, seule carte sans nom
► Tempérance, seule carte sans déterminant
Le Diable ? Il ne contient aucun élément de ce type. A la rigueur, on pourrait dire que c’est la seule carte avec un personnage antropomorphe. Ou la seule carte qui présente deux personnages enchaînés aux pieds d’un autre. Ou le seul nom de carte évoquant une chose qui fait peur, dans l’archétype judéo-chrétien. Mais de là en faire tout un plat …
Et en poussant le bouchon plus loin, pour Maurice, je dirais même que le titre de ce paragraphe ne mérite pas la présence du Diable.
En effet, l’arcane 15 n’est pas le seul à tirer la langue : l’ange de 20/Jugement, tire lui aussi la langue. Quant au fait de loucher, selon la version du tarot que vous utilisez, vous trouverez en 19/Soleil, des enfants dont le regard est quelque peu « perdu ». Ou en 6/Amoureux, un personnage central dont le regard est à l’image de ses pieds : à hue et à dia. Voir encore, une 3/Impératrice aux yeux vraiment décalés, dans la version de Conver.
Bref, 15/Diable n’est ni le premier, ni le seul arcane du tarot à présenter un personnage qui louche ou tire la langue.
Mais / et.
C’est le seul qui louche et tire la langue. Les deux en une fois. Et c’est ce qui fait toute la différence.
Le Diable.
Le dictionnaire historique de la langue française (A.Rey et al., ed. Le Robert, 2010, page 2918) livre l’origine du mot. Voir ci-dessous.
Le Grand Robert de la langue française définit le mot diable comme suit : « Démon, personnage représentant le mal dans la tradition populaire chrétienne. »
Le Larousse quant à lui, évoque : « Esprit du mal, le démon. S’écrit parfois avec une majuscule pour désigner Satan. »
Et si vous vous inscrivez plutôt dans le 2.0, je vous renvoie vers wiki, qui n’est pas en reste pour nous présenter le nom de la carte comme quelque chose de bien peu positif, agréable ou constructif.
Tout ça pour dire, qu’il en fallait bien une, dans le mandala. Une quoi ? Une carte profondément négative, difficile, désagréable et problématique.
Qu’on le veuille ou non : il n’y a pas de soleil sans ombre, pas de jour sans nuit, pas de blanc sans noir. Avec 15/Diable, on y est dans la nuit et la noirceur de nous-même et/ou de notre côté sombre à l’oeuvre, par rapport à la question posée au tarot.
Tout cela ne serait rien, sans la suite.
La majorité des gens que je reçois en consultation de tarologie ou coaching de développement personnel, admettent bien volontiers avoir une part d’ombre en eux. C’est d’ailleurs bien souvent à l’occasion d’un travail sur soi, ou la prise de conscience d’actes posés qui ne sont pas des plus glorieux, qu’on accepte de se confronter au côté sombre de sa personnalité et/ou de son histoire.
Se confronter au Diable en soi, à toutes les fois où on s’est rendu au diable vauvert, en ayant le diable au corps, parce qu’on a voulu tirer le diable par la queue, se demandant finalement : « Pourquoi diable, suis-je comme cela ou ai-je agi de la sorte ? », se confronter au diable en soi, finalement ne serait rien de dramatique.
L’ennui, c’est que le Diable du tarot, cette un vingt-deuxième partie de soi, elle louche et tire la langue. En plus.
Le Diable louche.
Placez-vous devant votre miroir préféré. Regardez-vous. Et appréciez.
Louchez, maintenant. Regardez-vous. Et appréciez.
Quelles différences ? Ah, vous ne voyez pas très clair. Tout est flou. Vous vous voyez double.
Ben, vous avez tout compris.
Avec 15/Diable, vous ne voyez pas très clair. Ni en vous-même, ni par rapport à votre question posée aux cartes. L’ennui, c’est que vous avez tiré cette carte en réponse à votre question. Donc, en réponse à votre question, vous vous dites que vous ne pouvez, vous ne voulez, vous ne savez voir clair en vous-même. Et / ou. Que par rapport à vous-même, vous n’êtes pas très au clair, vous êtes dans le flou, vous avez une sensation de double en vous. Le Diable louche.
Prenez quelques secondes pour faire le point sur ce qui vous a amené en consultation. Pensez à votre vécu présent. Réfléchissez à ce qui vous a fait poser cette question au tarot.
Subvocalisez ensuite deux ou trois fois : « C’est louche ! ».
Ben oui, puisque vous venez de tirer le Diable en réponse à votre question – qui n’est jamais que le fruit de ce qui vous mené chez le tarologue, qui est lui-même la conséquence d’un mal-être, malaise ou d’un problème dans votre vie de tous les jours – vous venez de tirer le Diable. Qui louche. Donc vous êtes louche, votre situation est louche, votre question est louche.
A moins que ce ne soit le tarologue. Ben oui, puisque quand on louche, tout doit être doublé. En fait, c’est peut-être lui qui …
Le Diable tire la langue.
Je suis passionné par la symbolique dans le monde des Arts. Et plus particulièrement dans l’art sacré roman – voir bibliographie. Tirer la langue : obscène, outrage aux bonnes moeurs : cela ne se faisait pas à l’époque. Tirer la langue est symboliquement fort, au Moyen-Age. Considéré comme une injure et / ou un blasphème, selon le destinataire du geste. Passible d’emprisonnement, si lancé à l’encontre d’une autorité. Ce geste n’est pas anodin. Le fait que les Imagiers l’aient dessiné en 15/Diable, n’est bien évidemment pas le fruit du hasard.
« Tout mouvement de la bouche est, dans l’iconographie médiévale, signe d’un désordre, et plus que d’autres, le fait de tirer la langue. (…) Les diables font ce geste, en particulier lorsqu’ils se moquent de leur victime. (…) D’une façon plus générale, c’est le comportement des gens méchants qui traitent avec dérision les choses sacrées, les saints et Dieu lui-même. »[1]
[1] F.Garnier, le langage de l’image au Moyen-Age (2 tomes), ed. Léopard d’Or, p.136
Le Diable est donc en désordre avec lui-même. La carte ne dit rien d’autre dans un tirage. Et certainement à tous ceux qui veulent le décoder positivement. Na ! Au cas où je ne l’aurais pas encore dit.
Tirer la langue est le propre des gens méchants. Personnellement, j’ose le terme manipulateur, en séance. J’ajoute la présence des liens, de la division des diablotins, ainsi que l’enchaînement/enracinement des petits personnages.
Quant à tirer la langue, dans le langage non-verbal contemporain, il s’apparente à se foutre de la gueule de l’autre. La carte représente celui qui la tire. Le consultant se fout donc du tarologue. Il ne lui dit pas tout, il ment (volontairement, par omission ou inconsciemment) ou il a un agenda caché (connaître la réponse à la question et venir au tarot pour vérifier si la tarologue dira vrai ou pas), ou il a peur de connaître la réponse, alors il masque une partie de la donne, etc, etc.
Je ne louche pas et je ne (vous) tire pas la langue.
Lorsque la carte 15/Diable sort dans un tirage, j’ai donc plusierus réflexes, sorte de feu orange clignotant m’avertissant d’un danger.
Au choix :
1. Le consultant ne sait vraiment plus où il en est, il ne voit pas clair dans sa situation et ne sait pas trop comment verbaliser les choses, sa langue fourche involontairement, car il est troublé.
2. Le consultant ne dispose pas de toutes les informations et suppute ou invente une partie de ce qu’il me transmet. Sa langue est fourchue, puisqu’il ne dit pas la vérité / réalité.
3. Le consultant biaise notre échange. Il connaît la réponse à sa question et veut tester le tarot (ou le tarologue) et/ou veut entendre une réponse bien précise, orientant par le fait même le contenu de l’échange préalable – voir contenu d’une séance.
4. Le consultant est pris dans son inconscient. Il a (volontairement ou non) refoulé une partie des informations ou souvenirs et ce qu’il raconte en introduction est faux. Le geste de la main du diable devient alors un avertissement au tarologue : attention, fais gaffe, tout n’est pas ok dans le propos raconté.
5. Le consultant est fragilisé (sous médicamentation, drogue ou alcool, dépression, sous le coup d’une émotion forte, …) et le contenu de ses propos est à prendre avec des pincettes. Ici aussi le geste du personnage est destiné au tarologue.
6. …
Tout ceci pour dire que la présence de la carte du Diable dans un tirage sera à lire à plusieurs niveaux :
* signe de choses cachées chez le consultant (couplé à la Papesse, je ne vous dis pas la joie du tarologue);
* signe d’oublis ou de troncage d’informations de la part du consultant (couplé au Pendu, je ne vous dis pas l’état du tarologue au moment du décodage);
* signe d’avertissement au tarologue : il y a anguille sous roche, faut faire attention à ce qu’on dit (couplé à 13/ASN, je ne vous dis pas les pincettes que le tarologue devra prendre avant de parler)
* signe que le consultant ne veut pas réellement entendre de réponse à sa question (couplé à 9/Hermite, je ne vous dis pas combien le tarologue devra faire un effort pour verbaliser le contenu du tirage)
* signe que le tirage sera « difficile » : et ça, c’est dans 100 % des cas !
Et en guise de conclusion ?
Et avec tout ça, je ne vous ai pas parlé :
* des deux personnages de couleur chair (voir symbolique des couleurs), marquant une division intérieure chez le consultant.
* des deux personnages avec les mains dans le dos : symboles de secrets, choses qu’on ne veut, ne sait, ne peut dire ou entendre
*des deux personnages enchaînés, symboles d’assuétude, soumission, e.a.
* des griffes au diable, sur un symbole d’or : avarice, dépendance, agressivité, possessivité, manipulation, …
* des seins féminins et du sexe masculin proéminents et mis en évidence : sexualité débordante, débridée, prégnante, …
* des cornes de cervidés mises en évidence sur les coiffes : animalité primaire, instinctivité des comportements
* du fléau ou de la torche tenue par le diable, des ailes de chauve-souris, etc, etc.
J’approfondis la signification de ces éléments dans les pages idoines du site.
Le Diable est la carte la plus délicate de toutes, de par les yeux qui louchent et la langue tirée par le personnage central.
D’ailleurs, quand je m’effectue un tirage pour moi-même et que la première carte tirée est 15/Diable, j’arrête les frais. Je ne retourne même pas les autres cartes. S’il sort, c’est qu’une partie de moi me dit que ce n’est pas la vraie question (ce n’est qu’une bonne question, ou un arbre qui cache la forêt que je ne veux voir), ou que ce n’est pas le moment d’avoir une réponse à cette interrogation, ou que je ne dispose pas de tous les éléments nécessaires pour faire le tour de la question. Stop, fini tirage !
Pour vous dire combien je suis vigilant et prudent quand cette carte sort dans mon jeu.
A vos bonnes ruminations, chers internautes.
Retrouvez le développement complet des notions évoquées dans cet article, dans : Mémoires de tarologue